Claude Paul Schmitt a retrouvé les noms des « bourreaux de Surbourg et d’ailleurs ». Le bourreau, rappelle-t-il, était un artisan, et « dans artisan, il y a “art” : une tête doit être bien tranchée — net et sans bavure » ! Le bourreau était parfois tanneur, croque-mort, fossoyeur mais surtout équarrisseur… et par conséquent, souvent mis à l’écart du village.
La fille d’un bourreau épousait presque toujours un bourreau
Pour Wissembourg, Bernard Weigel, archiviste de la ville, s’est penché sur l’histoire et les compétences de ceux qui ont exercé ce métier particulier.
Qu’est-ce qui vous a incité à explorer ce sujet macabre ?
Il y a deux ou trois ans, un Allemand qui faisait des recherches généalogiques m’avait demandé s’il existait des documents sur l’un de ses ancêtres, un certain Vollmar, bourreau à Wissembourg. Nous avons d’ailleurs publié certains déboires de ce personnage dans le n° 172 de L’Outre-Forêt.
Quelles ont été vos sources ?
Les registres municipaux, de superbes livres où ont été consignés la plupart des événements qui concernaient la vie locale. Il en existe une cinquantaine, des exemplaires uniques entièrement rédigés à la main en allemand, dans la graphie ancienne qu’il faut s’amuser à décrypter — mais avec l’habitude, on arrive à les comprendre, et leur déchiffrage devient un plaisir un peu comparable à celui des mots croisés. Le lecteur peut d’ailleurs découvrir des extraits de ces rapports et juger de la difficulté de l’interprétation.
Jusqu’à quelle époque ces registres remontent-ils ?
Malheureusement, le centre-ville de Wissembourg a été ravagé par un énorme incendie en 1677. L’hôtel de ville à pans de bois a brûlé, ainsi que les archives. Les premières archives dont nous disposons commencent en 1681. Mais les recherches généalogiques s’appuient aussi sur les registres paroissiaux. L’on y trouve les mariages, les baptêmes… C’est d’ailleurs en parcourant ces pages que j’ai été frappé par les métiers des maris, des parents et des parrains ! La fille d’un bourreau épousait ainsi presque toujours un bourreau, et les parrains étaient aussi des bourreaux !
Les bourreaux formaient donc une sorte de caste ?
Ils étaient souvent mis à l’écart et obligés de vivre dans un autre village. Ainsi à Wissembourg, la rue des Justiciers se situait à la limite nord de la ville, derrière l’ancien quartier réservé aux Juifs.
En quoi consistait la fonction du bourreau à Wissembourg ?
Les délits graves comme les affaires criminelles étaient jugés par la « Landvogtei » de Haguenau. On peut donc supposer que seules les condamnations mineures étaient exécutées à Wissembourg. Mais sur certaines gravures anciennes, on voit une potence dressée sur les hauteurs sud de la ville.
Le cachot et la salle de torture étaient-ils à l’hôtel de ville ?
Non. Il existait une prison à l’étage du Mitteltor, une tour qui s’est écroulée à la fin du XIXe siècle. Il y avait aussi un cachot dans la partie souterraine de la tour de la Poudrière, et peut-être dans la tour des Husgenossen.
Un balcon sur la forêt et bien d’autres sujets
Christian Schalk décrit comment l’abbaye de Neubourg tente de se défendre face au soulèvement des paysans juste avant la révolution de 1789. Claude Muller imagine les « échos du parloir de Koenigsbruck au XVIIIe siècle ». Fabien Fischer explique comment le village de Leiterswiller s’est reconstruit après la guerre des Paysans, grâce à l’arrivée de familles émigrées d’outre-Rhin et de Suisse. Jean-Claude Streicher analyse les alliances électorales et les fluctuations politiques dans la région de Lauterbourg dans les années 1930.
Jean-Louis Burtscher révèle un détail peu connu de l’ouvrage du Hochwald : cette fortification souterraine à la vocation militaire abritait une chapelle au fond d’une galerie ! Enfin, Gérard Forche évoque une page dramatique de la Seconde Guerre mondiale : il reconstitue les circonstances lors desquelles le brigadier de police 1re classe Joseph Fischer, enterré à Obersteinbach, a été « lâchement fusillé » par les Allemands en 1944
Le photographe Paul Helbringer livre pour sa part un article et de superbes photos sur les ruines du Froensbourg, récemment débroussaillées et sécurisées, une belle invitation à redécouvrir ce château un peu oublié entre Lembach et Niedersteinbach…
L’Outre-Forêt n° 173 (8,50 €) est en vente à l’office de tourisme de Wissembourg, place de la République, et dans les librairies et papeteries de la région.
À gauche À Wissembourg, l’étage du Mitteltor abritait une prison. À droite La tour de la Poudrière recelait un cachot dans sa partie souterraine. PHOTOs d’archives